PETITFILS J.-Ch., La sainte tunique d’Argenteuil.
Authentique relique de la Passion du Christ, Taillandier, 2024.
Le travail de synthèse réalisé par Jean-Christian Petitfils
sur le linceul de Turin, publié dans son Jésus (Fayard, 2011), repris et
complété pour la partie historique dans Le Saint Suaire de Turin :
témoin de la Passion de Jésus-Christ (Taillandier, 2022) fait objectivement
référence pour ce qui concerne ces « reliques présumées » de la
Passion de Jésus.
« Présumées » parce que, selon la stricte méthode
historique, on ne peut pas (encore) prouver qu’il s’agit scientifiquement du linceul
dans lequel le Christ fut déposé au tombeau (Mc 15,46 ; Mt
27,59 ; Lc 23,53), mais considérant déjà les multiples
points de concordance entre l’objet et les témoignages évangéliques justement soulignés
par l’auteur, il paraît tellement évident qu’il est réellement celui-là même. On
est alors vivement impressionné par la capacité des sciences et techniques
modernes à éclairer en de multiples détails les conditions de la Passion de Jésus.
Dans cette veine se situe l’étude sur la sainte tunique
d’Argenteuil, dont l’histoire de l’arrivée en France, comme celle du linceul
aujourd’hui conservé à Turin, est tout aussi obscure et parfois rocambolesque. On notera ici en passant qu’il semble que la
tunique sombre dans l’oubli, est en danger de disparaître, parfois reléguée au rang
des objets insignifiants, pour ne pas dire encombrants, à chaque fois où, dans l’histoire,
la foi s’obscurcit et l’Église troublée – et ceci pas seulement aux temps anciens.
Passant en effet sur les dernières tribulations surmontées
par la tunique, peu glorieuses pour l’équipe pastorale régnant en 1983, l’auteur
en vient assez rapidement à l’étude de l’objet lui-même dont il s’attache à
relever les points de concordance avec le linceul de Turin. Outre la datation
et la localisation de la fabrication du tissu formant la tunique, dont on
rappellera qu’elle est sans coutures, on relèvera notamment la position
des taches de sang, la composition du sang lui-même, et les pollens typiques de
la région et de l’époque où vivait Jésus.
Deux difficultés majeures distillent cependant le doute. La
première, largement évoquée par l’auteur et à laquelle sa réponse semble
satisfaisante, est la datation de la tunique par la méthode dite du Carbone 14.
Il apparaît – comme pour le linceul de Turin – que cette méthode est d’un
emploi si délicat qu’en définitive on a plus de chances d’obtenir par elle un
résultat erroné qu’une certitude scientifique. D’ailleurs, d’autres
observations indépendantes – tout aussi scientifiques – la contredisent sans
mal. La méthode du Carbone 14 a cependant une vertu : elle permet aux
détracteurs d’exercer leur scepticisme.
La seconde difficulté est entièrement passée sous silence. Malheureusement,
il faut quand même l’avoir à l’esprit quand nous parcourons l’ouvrage : la
synthèse de l’auteur s’appuie considérablement sur les résultats des travaux
menés par le Professeur Gérard Lucotte, généticien reconnu pour son travail sur
le séquençage de l’ADN, mais devenu – tel un professeur Raoult – « controversé »
(selon l’expression consacrée) et, pour cela, en grande partie rejeté par son
milieu universitaire. Évidemment, l’ouvrage de Jean-Christian Petitfils en est
d’autant plus fragilisé, tant qu’une étude contradictoire n’aura pas pu être
menée. On pourrait espérer qu’à l’occasion des prochaines ostensions, l’évêque de
Pontoise en exprime le désir.
Si, comme l’auteur cependant, on fait confiance au
professeur Lucotte, alors nous comprenons que le linceul de Turin, la tunique
d’Argenteuil et le voile d’Oviedo (Espagne) forment un ensemble cohérent,
parfaitement en adéquation avec les témoignages évangéliques. Le puzzle des
informations recueillies étant ainsi recomposé, nous voyons ainsi apparaître la
Passion de Jésus avec un réalisme absolument saisissant, qui ne peut
qu’impressionner favorablement l’homme de bonne foi, sans parler du chrétien
ami de Jésus.
Les souverains pontifes Jean-Paul II et Benoît XVI n’ont pas
authentifié le linceul de Turin comme « relique » au sens habituel du
terme, car il manque la « preuve » ultime que l’homme du linceul est
bien Jésus de Nazareth. Benoît XVI l’a qualifié d’« extraordinaire icône »
du « mystère du samedi saint », ce qui dans son esprit est
probablement le maximum qu’il puisse dire avant l’authentification.
Écoutons-le : « Tel est le mystère du Samedi Saint ! Précisément
de là, de l’obscurité de la mort du Fils de Dieu est apparue la lumière d’une
espérance nouvelle : la lumière de la Résurrection. Et bien, il me semble
qu’en regardant ce saint linceul avec les yeux de la foi, on perçoit quelque
chose de cette lumière » (méditation du 2 mai 2010). Connaissant l’importance
pour le bon pape du lien nécessaire entre foi et raison pour porter un regard
juste sur la réalité, les « yeux de la raison » y ont également leur
part. Mais il n’en parle pas ici.
Pour finir, nous pouvons considérer que l’enquête est toujours
en cours. Les études successives tendent à authentifier ces
« icônes » en tant que « reliques », même s’il reste encore
du chemin à parcourir aux yeux de la raison. La direction indiquée nous conduit
cependant à devoir considérer l’impressionnant réalisme de la Passion de Jésus
dont les évangiles témoignent, et in fine de Jésus de Nazareth lui-même
et surtout, de son « incroyable » résurrection !