GRAND J., Sa vie pour la mienne. Le témoignage de l'otage sauvée par Arnaud Beltrame.

GRAND J., Sa vie pour la mienne. Le témoignage de l’otage sauvée par Arnaud Beltrame, Artège, 2024.
 
Paradoxalement, il est plus difficile de rédiger la notice d’un témoignage comme celui de Julie Grand que celle d’un ouvrage universitaire. Non pas que le livre soit long (174 pages) ou difficile à lire – bien au contraire – mais touchant directement à la vie et à l’intimité des personnes, il ne peut que susciter un immense respect, une forte impression.
Le préfacier Henri de Beauregard, avocat, note avec justesse : « C’est cela qui donne au récit de Julie une intensité exceptionnelle : dans la poignée de seconde qui a bouleversé sa vie se croisent le pire et le meilleur de notre humanité, la haine brute et le don gratuit, la mort attendue et la vie sauvée. On ne s’étonnera pas que le livre qui procède d’une telle expérience soit un condensé d’émotions puissantes, parfois contradictoires, toujours authentiques. » Et c’est bien parce qu’il est authentique que ce témoignage suscite une émotion puissante.
 
J’ai souhaité intégrer cet ouvrage dans la bibliothèque de « 108 Livres » parce qu’il est utile à au moins trois titres.
 
Le premier est la perception de la profondeur de l’impact que peut causer sur une personne, dans sa vie, ses relations, un traumatisme causé par un attentat ou toute autre forme de violence d’importance. On mesure ici le combat de chaque instant et sur plusieurs années, jamais tout à fait terminé, qu’il faut mener intérieurement pour éviter de sombrer et tenter de se reconstruire. Julie Grand le dit avec ses mots, sa manière d’être, qui sont ceux d’une femme – je pense qu’un homme n’aurait pas dit ou peut-être même pas vécu les choses ainsi – et c’est de sa part une très riche et très précieuse leçon.
 
Comme ce parcours mène à une conversion, tout à fait improbable au début et même au long de cette histoire, le chrétien y reconnaît la patience amoureuse du Seigneur, qui in fine recueille avec une infinie douceur son enfant arrivée à l’épuisement. Car jamais il n’atteint à sa liberté. Mais il est là, comme un ange gardien veille. Il est certain que cet ange prend régulièrement le visage d’Arnaud Beltrame, que Julie Grand croise à plusieurs reprises, comme des étapes sur son chemin (son intervention, son corps, sa femme, son « aumônier », sa sépulture…) Où l’on voit la communion des saints à l’œuvre.
 
Avec grande pudeur et délicatesse, le témoignage de Julie Grand nous fait donc également connaître, un peu, la personne d’Arnaud Beltrame. C’est une bonne idée d’y avoir adjoint la postface du Père Jean-Baptiste Golfier. Le chanoine de l’abbaye de Lagrasse nous présente en quelques pages la vie du colonel Beltrame dont on perçoit rapidement qu’on a affaire à une âme d’exception.
Il m’apparaît certain que ses prédispositions personnelles ont trouvé au sein de l’armée française un terreau qui leur aura permis de grandir et de s’épanouir en humanité et en sainteté. C’est tout à l’honneur de notre armée, et du corps de ses officiers – car Arnaud Beltrame y a certainement trouvé des exemples à suivre, des modèles de courage et de droiture, pour ne pas dire de foi et d’espérance. Ils lui ont permis de tracer droit son chemin jusqu’au ciel. Nous avons vu cela aussi dans la personne de Dom Godefroy Raguenet, abbé d’Acey.
Comme il est de coutume (plus ou moins polémique) de rappeler la fréquentation qu’avait Arnaud Beltrame de la franc-maçonnerie, si je pense bien en effet qu’il y a là un labyrinthe très (trop) risqué intellectuellement et spirituellement à emprunter pour un chrétien, en revanche j’observe que cette fréquentation ne l’a pas détourné de sa droiture d’âme et de la vie qui en découlait.
 
Grâce au témoignage de Julie Grand, nous sommes encouragés à marcher en confiance sur le chemin parfois difficile qui est le nôtre – je pense ici à toutes les personnes qui portent leur croix, souvent dans la plus grande discrétion – sans jamais oublier les anges qui sont au ciel, parfois sur terre, et qui veillent sur nous à toute heure, même improbable. Il faut donc livre ce livre.