MERCIER J., Monsieur le curé fait sa crise, Quasar, 2016 ; 176 p., 14 €
Devenu un best-seller à juste titre, ce roman très rapide et facile à lire, en 2024 n’a pas pris une ride (et c’est inquiétant !)
Cette plongée dans la vie de l’Église catholique en France est criante d’authenticité. On y voit une Église composée de pâte humaine, avec ses courants idéologiques, ses faux-semblants, sa bêtise parfois, mais somme-toute sans foncière méchanceté, et de grâce divine qui transfigure tout. Car il y a des accents à la Bernanos dans cet ouvrage. Le tout raconté avec beaucoup d’humour et avec une grande affection pour les personnages : évêque, prêtres, laïcs en responsabilité ou simples paroissiens, et mêmes journalistes simplement mus par l’intérêt financier du tirage.
De fait, on nous dit dans la promotion de l’ouvrage : « Au fait des problèmes actuels de l’Église catholique (pénurie de prêtres, rapports difficiles entre prêtres et laïcs...), il en tire une fable passionnante, drôle, et qui fait du bien. »
Je pense que cela va un peu plus loin.
Un personnage résiste à la grâce, et même quitte la célébration eucharistique en toute discrétion : l’universitaire sociologue qui n’a d’intérêt que pour sa carrière personnelle et dont l’Église ne constitue qu’une matière d’analyse. Or la « laïque engagée » qui ne vivait intellectuellement que par la doxa générée par l’universitaire et qui l’imposait à toute la pastorale et la catéchèse de l’Église, finit par « craquer » comme les autres en reconnaissant la spécificité irréductible du prêtre, par lequel le Seigneur polarise le don de sa grâce. On ne peut pas manquer de voir ici une critique extrêmement profonde et radicale de Jean Mercier de toute une architecture universitaro-pastorale de l’Église, qui a (toujours) ses institutions et ses ramifications.
Contre cette manière de gouverner l’Église, l’auteur – manifestement inspiré par quelque courant charismatique d’Amérique du Nord – propose sa « vision », terme typique. Plutôt que de perpétuer une Église qui s’épuise à maintenir une structure territoriale moribonde, ou à tenter de s’imposer de nouveaux cadres idéologiques et technocratiques sous mode de plans pastoraux dont il a dévoilé la source spirituellement stérile, Jean Mercier propose plutôt de se recentrer sur les dons de la grâce, les ministères et les charismes, et de les faire vivre. Un prêtre même âgé ou handicapé ne demande qu’à exercer le ministère qu’il a reçu ; un pieux laïc, enraciné dans sa grâce baptismale, rené dans la lumière de la grâce, ne demande pas mieux que de rayonner là où il se trouve. Et le tout fait une Église vivante.
Ce livre n’est donc pas seulement une « fable qui fait du bien », c’est aussi un manifeste qui mérite d’être lu et partagé.