BUSTILLO F., La Vocation du prêtre face aux crises. La
fidélité créatrice, Nouvelle Cité, 2021.
Rédigé dans un style alerte – les phrases sont courtes –
l’ouvrage de François Bustillo apparaît comme la publication de leçons, de
« méditations parlées » (p. 8), données durant des retraites
sacerdotales. Il s’agit d’un travail adressé en premier lieu aux prêtres
diocésains, mais qui pourrait intéresser tout formateur de séminaire ou,
au-delà du cercle séculier, des responsables et formateurs religieux.
D’ailleurs, l’auteur est à l’époque supérieur de la communauté des Franciscains
conventuels de Lourdes. Il est depuis évêque d’Ajaccio et cardinal.
En s’appuyant sur le rituel de l’ordination des prêtres, il approfondit
les multiples facettes de la vie d’un prêtre diocésain actuel. La réflexion est
d’autant plus urgente que la crise des abus est prégnante. Mais s’appuyant sur
les Écritures, l’auteur fait preuve d’optimisme pour l’avenir. Et c’est bien ce
qui ressort de l’ensemble de l’ouvrage : une confiance sereine dans la vie
et la mission des prêtres d’aujourd’hui et de demain.
Certains psychanalystes, autrefois et outre-Rhin, ont pu
taxer les prêtres de « fonctionnaires de Dieu », notre auteur s’en
défend qui veut exorciser des « vies névrosées » et, s’appuyant sur
l’expérience de la pandémie de covid, veut au contraire les tourner vers la
gratuité. Il s’agit de travailler sur son humanité et sa disponibilité – en
effet, le prêtre de François Bustillo est charnel et l’auteur préconise pour
lui une vie humaine somme toute très équilibrée, presque banale, quoique fondée
dans une vie intérieure forte.
Car le prêtre est appelé à gouverner comme pasteur,
s’affrontant au « règne de l’individualisme » en lui opposant une
nouvelle figure de paternité. Ce point est peut-être l’un des plus marquant de
la réflexion de l’auteur, tant la paternité est aujourd’hui décriée.
Le prêtre enseigne – confronté à l’analphabétisme religieux
– et doit donc se préoccuper sérieusement de la transmission en annonçant
l’Évangile et en exposant la foi catholique… Il est bon de le souligner.
Enfin, le prêtre sanctifie. Ici l’auteur est confronté à un
conflit de génération quant à la place du sacré, duquel il se sort en prenant
de la hauteur – écoutons-le : « Mépriser le sacré signifie s’éloigner
de Dieu et des autres. Notre civilisation moderne en étouffant le sacré a
rétréci son horizon. La sagesse spirituelle de l’Église, avec la pédagogie de
l’année liturgique, nous fait célébrer la vie du Christ. De la naissance à la
mort et la résurrection, nous élargissons notre horizon de vie. Le Christ nous
montre la vie éternelle, notre destinée définitive. La répétitivité des gestes
de nos rites est structurante pour notre mémoire fragile. Le rite sacré, par la
force des sacrements, nous guérit de l’amnésie spirituelle. » (p. 138).
Nous revenons ici à l’appel à nourrir son intériorité pour
ne pas se laisser emporter par le tourbillon de l’activisme. Et en définitive,
il s’agit de ne pas manquer l’essentiel : « Notre sacerdoce nous
oriente vers la sainteté. La mission du prêtre est de sanctifier le peuple qui
lui a été confié [… sans] oublier la sanctification personnelle. » (p. 147-148)
[Cette orientation n’est pas sans rappeler l’appel vibrant lancé par Jean-Paul
II à orienter sa vie vers la sainteté, comme chemin pour l’Église dans ce
troisième millénaire. L’appel à la sainteté n’est autre que l’articulation
décisive de la constitution Lumen Gentium du concile Vatican II. Ici,
c’est moi qui parle, mais le choix thématique effectué par l’auteur est
significatif !]
Suivent deux chapitres à finalité plus pastorale, où l’auteur
aborde « le tact du prêtre », en lien avec les gestes de l’imposition
des mains, de l’onction et de l’offrande, et la question des rapports
relationnels qui sont à soigner (dans tous les sens du terme), appelant ici à
l’innocence, la pudeur et au détachement.
Enfin, avec la confiance qui le caractérise, notre auteur
termine sur le thème du prêtre « porteur de vie ». Il l’appelle à
fuir la médiocrité, à réveiller son désir et à cultiver ses rêves, à la limite
du « en même temps » : « Actuellement, pour l’Église il est
important de sortir d’une vision protectrice de conservation pour se mettre à
l’écoute de ce que l’Esprit dit aux Églises (Ap 2,7). Les termes “nouveauté,
imagination, créativité, audace” ne sont pas dangereux. Il ne s’agit pas
d’effacer le passé et la Tradition par des idées novatrices dénaturant ou
détournant notre patrimoine » (p. 230).
Pour conclure, ce voyage original dans la vie du prêtre du
troisième millénaire est tout autant réconfortant que nourrissant – on notera
notamment les citations des enseignements du pape Benoît XVI, toujours fructueux.
Il était bon de saluer ici cet ouvrage d’un sympathique coup de chapeau.