PITRE B., Les Racines juives de Marie. Dévoiler les mystères de la mère du Messie


PITRE B., Les Racines juives de Marie. Dévoiler les mystères de la mère du Messie, Artège, 2023.
 
Dans la vaste littérature sur la Mère de Dieu, la Vierge Marie, rares sont les ouvrages qui méritent d’être non seulement signalés mais même recommandés à la lecture. Celui-ci en fait partie, pour deux raisons.
D’une part parce que l’auteur, en sept chapitres, nous dresse un portrait de Marie très suggestif : (1. Introduction) ; 2. La nouvelle Eve ; 3. La nouvelle Arche (d’Alliance) ; 4. La reine mère ; 5. Marie toujours vierge ; 6. La naissance du Messie ;  7. La nouvelle Rachel ; 8. Au pied de la croix.
D’autre part en raison de la méthode, qui ne devrait pas être révolutionnaire dans l’Eglise, mais qui l’est pourtant en regard du résultat obtenu. Voici ce qu’en dit l’auteur :
 
« En rigueur de termes, vous ne pouvez pas saisir la personne de Marie sans la considérer dans son milieu juif, celui du premier siècle. Les spécialistes s’accordent aujourd’hui pour reconnaître que Jésus ne peut être pleinement compris si on ne tient pas compte de son enracinement dans le judaïsme de son époque. Pourquoi, s’agissant de Marie, cette règle ne s’appliquerait-elle pas ? Encore aujourd’hui, on trouve tant de livres qui, abordant le mystère de Marie, et contestant les dogmes de la foi catholique, ignorent totalement l’Ancien Testament – pour ne rien dire des anciennes traditions juives apocryphes. Mais si vous cherchez à comprendre ce que la Bible enseigne réellement au sujet de Marie, vous devez revenir à l’Ancien Testament. Vous devez envisager Jésus et Marie, tous les deux , à travers le regard du judaïsme ancien. » (p. 20-21).
 
L’auteur ne s’appuie pas uniquement sur la typologie, manière de lire les Écritures comme prophétie des événements survenus à Jésus (et Marie), mais aussi sur les écrits juifs extra-bibliques, dont les targoums en araméen, lesquels éclairent parfois singulièrement certaines expressions dans les Évangiles. En matière d’exégèse, il n’est plus vraiment possible aujourd’hui d’en faire abstraction.
 
De ce fait, on s’étonnera de deux partis-pris.
Le premier est de ne faire référence qu’au texte grec des Évangiles, sans supposer une version antérieure écrite ou orale, en araméen. Le sujet est sensible... L’option prise par l’auteur lui permet cependant d’échapper à des critiques trop vives de la part de ses pairs. Néanmoins l’analyse réalisée à partir du grec est déjà féconde. Peut-être pourrait-on aller un peu plus loin en araméen, surtout en lien avec les targoums.
Le second parti-pris est d’illustrer la continuité de la tradition exégétique et théologique au cours des siècles, en citant de nombreux Pères de l’Église, d’Orient et d’Occident. De fait, certains textes « tardifs » éclairent particulièrement tel ou tel mystère, et l’on peut se réjouir de voir combien la tradition est fidèlement maintenue dans l’Église. Mais d’aucuns trouveront ces textes trop tardifs, justement, pour témoigner d’une exégèse théoriquement déjà fondée à l’époque apostolique, puisqu’elle est en rapport avec la personne même de la Mère de Dieu. On s’attendait donc à trouver davantage de références au moins anté-nicéennes. Probablement les auteurs anciens sont silencieux, tout simplement – ce qui est fort possible, ou bien l’établissement des accroches (allusions, mots-clés…) sont par trop techniques à exposer dans un ouvrage à destination du grand public.
En somme, à travers ces deux observations, s’ouvre en réalité un champ de prospection immense, qui ne devrait pas décevoir les chercheurs ni les bénéficiaires de leurs explorations.
 
Pour conclure, cet ouvrage est tout autant un dévoilement de certains mystères de la Vierge Marie qu’un modèle d’exégèse des Évangiles. Sa lecture, aisée, le rend accessible à tous. On regrettera cependant l’absence d’une table des références bibliques, extra-bibliques, et patristiques.