UN CHARTREUX, L’Écho du silence

 


UN CHARTREUX, L’Écho du silence, Artège, 2012, rééd. Ephata, 2025.
 
Ce petit florilège d’extraits de correspondance privée entre un chartreux et quelques membres de sa famille, ainsi que certaines connaissances, nous donne un aperçu sur la vie spirituelle vécue en chartreuse (ici celle de Bonpas, près d’Avignon) au XVIIIe siècle.
 
J’ai mis un peu de temps à comprendre qu’il s’agit de cours extraits disparates rassemblés thématiquement dans un même chapitre. En effet, hormis les parenthèses qui les encadrent, les extraits sont présentés bout à bout, donnant ainsi l’impression d’appartenir à un même courrier. Cette confusion est accentuée par le fait que les extraits ne sont pas contextualisés : l’éditeur aurait peut-être pu (ou dû) indiquer le destinataire et la date.
 
Hormis cette difficulté, nous retrouvons à travers les lignes l’esprit cartusien traditionnel. On croirait lire Dom Augustin Guillerand : même douceur, même lumière, même simplicité, même théologie presque (il faudrait approfondir un peu sur ce point).
 
Quand on s’interroge sur les racines spirituelles de l’auteur, on trouve en premier lieu les Écritures, surtout les Psaumes, bien entendu, mais aussi les Pères de l’Église (saint Grégoire est cité). Rien que de très classique. En arrière-fond, nous avons sans aucun doute l’enseignement de saint Augustin, le docteur du « désir » du souverain bonheur. Il s’y trouve aussi très probablement l’esprit de saint François de Sales (à vérifier). Une citation de psaume renvoie spécifiquement à la Tradition cartusienne.
 
On peut observer un fort attachement à la typologie vétéro-testamentaire : le chartreux quitte le monde et entre en religion comme Israël s’affranchit de la captivité de Pharaon pour partir au désert ; la liturgie chrétienne est l’opération des merveilles préfigurées par l’organisation du Temple et de son culte ; le ministre du culte chrétien se pense comme le ministre du culte hébreu, « dispensateur des mystères de Jésus-Christ, pour entrer dans son tabernacle et jusque dans le sanctuaire ». Cette théologie est courante dans la première moitié du XVIIIe siècle.
 
Le thème de la « crainte de Dieu » est récurrent, sans excès. Même si on comprend cette crainte comme une immense déférence, elle ne paraît pas être ici source de peur angoissante : Dieu est un Père aimant. Cette référence habituelle peut tout simplement provenir de la fréquentation quotidienne du psautier. Elle n’est en tous cas pas ignorée ou rejetée, ce qui est déjà significatif.
 
Notre auteur est pudique sur ses combats personnels, quoiqu’il n’hésite pas à évoquer les sacrifices à offrir, les souffrances à supporter, la pauvreté qui est la sienne : le chartreux n’est pas désincarné quand bien même il se sait placé par vocation entre terre et ciel. Son regard est toujours tourné vers les réalités célestes, ce en quoi il peut trouver la force ou la grâce de transfigurer les douleurs du temps présent. Son témoignage est un précieux chant de foi et d’espérance en lequel on ne trouve que charité.